Baisse des émissions en France : l’arbre qui cache la forêt ?

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PAR Justine Nery

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Empreinte écologique

Les émissions ont baissé de 5.3% en France au premier trimestre 2024 par rapport à l'année dernière. Doit-on s'en réjouir ?

SOMMAIRE

Dans un communiqué datant du 26 juin 2024, le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s’est félicité du déclin des émissions de gaz à effet de serre en France. Une baisse de 5,8% sur l’année 2023 puis une baisse de 5,3% au premier trimestre 2024 par rapport à la même période l’année dernière selon le Citepa, signe « d’une dynamique enclenchée » comme l’affirme Christophe Béchu ?

Le secteur de l’énergie premier de la classe et les transports à la traîne

Le secteur de l’énergie est celui qui a enregistré, en ce début d’année, une baisse des plus conséquentes. Un recul de 16,8%, soit une diminution de 2 millions de tonnes équivalent CO2. Selon le Ministère, cela s’explique notamment par une accélération de la transition vers une production d’électricité décarbonée. Le secteur des bâtiments (- 7,1%), de l’industrie (-5,6%), de la construction (-7,6%) et de l’agro-alimentaire (-9,3%) figurent aussi parmi la tête de classe. 

Pourtant, ce recul des émissions de gaz à effet de serre est loin d’être homogène, comme le montrent les données du Citepa. Le secteur des transports, premier secteur émetteur en France avec un tiers des émissions annuelles, est, quant à lui, sur une pente stagnante avec une diminution de 3% au premier trimestre 2024, baisse assez similaire à l’année précédente, notamment grâce à une réduction des émissions dans le transport routier et aérien (respectivement -3,1% et -2,8%).

Baisse significative ou concours de circonstances ?

Si les progrès des différents secteurs économiques français sont à souligner, la baisse des émissions résulte surtout d’une conjoncture favorable : le redémarrage de la production nucléaire après l’arrêt d’une vingtaine de réacteurs en 2022, la baisse des activités industrielles, le rétrécissement du cheptel bovin ou encore, plus récemment, des températures particulièrement douces pour un hiver (notamment au mois de février) couplées à un coût élevé de l’énergie entraînant une baisse des émissions de chauffage (-7,8%) et de la production d’électricité par les centrales à charbon ou au gaz.

A noter également que si le communiqué atteste de 101 millions de tonnes d’équivalent CO2 émises entre janvier et mars 2024, ces calculs ne prennent pas en compte  la capacité d’absorption de CO2 des forêts et des sols (principaux puits de carbone) qui ne cesse de se rétracter avec le réchauffement climatique d’origine anthropique, ainsi que les émissions liées aux importations. 

Bilan, selon Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau Action Climat : « ça va dans le bon sens » mais « il faut redoubler d’efforts et accélérer l’action », notamment dans le secteur des transports. Un avis partagé par le Haut Conseil pour le Climat dans son sixième rapport publié le 20 juin dernier. 

Si la trajectoire des émissions brutes est la bonne, avec un recul de 13,2 Mt éqCO2 par an entre 2019 et 2023, et proche du rythme nécessaire à l’atteinte des objectifs climatiques pour 2030 (15 Mt éqCO2 par an), celle-ci doit être respectée à la lettre pour y parvenir, ce qui nécessite un cadre réglementaire plus sévère. Or, la conjoncture politique actuelle, et le retard pris par le gouvernement dans la publication de la stratégie nationale bas-carbone, ne laissent rien présager de bon en ce sens. 

Le monde, en passe de faillir à ses engagements climatiques et sociaux

A l’échelle mondiale, les résultats sont loin d’être aussi positifs, et les discours loin d’être aussi optimistes. C’est du moins ce qu’a reflété le discours du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, ce vendredi 28 juin dernier.

« Notre incapacité à garantir la paix, à lutter contre le changement climatique et à relancer la finance internationale nuit au développement », Antonio Guterres à l’ONU, 28 juin 2024

Si la trajectoire mondiale actuelle se poursuit, le secrétaire général de l’ONU l’a annoncé, les 17 objectifs de développement durable fixés en 2015 – dont seulement 17% sont en voie d’être accomplis – ne seront pas atteints. Un bilan loin d’être surprenant au vu de la multiplication des conflits – en Ukraine, à Gaza, au Soudan -, du manque de financement international pour la transition écologique – particulièrement pour les pays en développement -, de la succession des catastrophes climatiques ou encore de l’augmentation constante du coût de la vie avec une inflation rampante. 

L’ensemble des régions du monde sont désormais en proie à des événements climatiques extrêmes. Les inondations – France (Alpes-Maritimes  et Isère), Italie (Emilie-Romagne), Chine (Hunan), Côte d’Ivoire, Bangladesh –  s’intensifient du fait du réchauffement climatique ; la fréquence des incendies extrêmes – Brésil (Pantanal), Etats-Unis (Hawaï), Canada, Australie, Portugal, Indonésie, Sibérie ou encore Chili – a doublé en 20 ans ; et les températures atteignent des records – au Pakistan, en Inde, aux Etats-Unis, au Mexique ou encore en Arabie saoudite (qui se réchauffe « à un rythme supérieur de 50% à celui du reste de l’hémisphère nord« ) où 1300 fidèles sont décédés lors du pèlerinage à la Mecque.

L’urgence est à la solidarité internationale et à la paix, comme au déploiement de moyens concrets pour s’adapter au dérèglement climatique et en limiter les effets. L’appel d’Antonio Guterres est clair.

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