La pratique du ski en France, véritable pilier de l’industrie touristique, est aujourd’hui confrontée à des défis sans précédent en raison des effets du changement climatique. Alors que le pays est la deuxième destination mondiale pour le ski après les États-Unis, la diminution de l’enneigement et la hausse des températures menacent l’avenir des stations de ski françaises, qui participent par ailleurs à l’émission de gaz à effet de serre et à l’accaparement de la ressource en eau.
La France, 2ème destination touristique pour le ski au monde
Le tourisme de montagne s’est développé massivement en France dans les années 1960-1970 avec la construction de nombreuses stations de ski dans le cadre des plans neige, rendant ainsi les régions montagneuses françaises fortement dépendantes économiquement de la pratique du ski et des sports d’hiver en général. Aujourd’hui, le tourisme montagnard représente 22,4% des nuitées touristiques en France et emploie près de 120 000 personnes.
Malgré sa forte popularité, le ski, en raison de son coût économique important, reste réservé à une minorité de Français : moins de 10% des Français partent en vacances l’hiver à la montagne et 5% y vont pour faire du ski alpin ou du snowboard. Des inégalités qui pourraient s’accentuer dans les prochaines années en raison des investissements dans des infrastructures coûteuses pour pallier le manque de neige.
Ces 50 dernières années, les Alpes ont perdu près d’un mois d’enneigement
Les scientifiques alertent depuis les années 1990 : les conditions météorologiques imprévisibles, la baisse de l’enneigement, la raréfaction de la ressource en eau et la fonte du pergélisol posent des défis majeurs pour l’avenir du ski en France.
Des endroits autrefois recouverts de neige sont maintenant menacés, comme le village de Gréolières-les-neiges dans les Alpes-Maritimes, qui n’a ouvert que 4 de ses 26 pistes cette année grâce à la neige artificielle, et a donc décidé retirer « les neiges » de son nom. Ou encore comme Gérardmer, deuxième station de ski des Vosges, contrainte de fermer en semaine à cause de “conditions météorologiques trop clémentes”.
Ces 50 dernières années, les Alpes ont perdu près d’un mois d’enneigement, et dans les Pyrénées centrales, le manteau neigeux a perdu la moitié de son épaisseur. Et ces baisses d’enneigement ne vont faire que s’empirer dans le futur : dans un scénario de réchauffement planétaire de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle, 53% des stations européennes n’auront pas assez de neige pour fonctionner normalement, et cette part pourrait grimper jusqu’à 98% dans un scénario de réchauffement de +4°C.
La Cour des comptes appelle l’Etat et les stations de ski à prendre le problème du changement climatique à bras-le-corps
La Cour des comptes alerte sur le déclin du modèle économique du ski français en raison du changement climatique, et souligne le besoin urgent d’adapter ces espaces aux conditions météorologiques et climatiques futures.
Dans son rapport, la Cour des comptes déplore ainsi le manque de prise en compte du changement climatique par les stations de ski, ainsi que les politiques publiques d’adaptation actuelles, jugées insuffisantes, peu opérationnelles, et pas à la hauteur des enjeux : “les actions de diversification mises en œuvre par les stations sont rarement adossées à un véritable projet. Réalisées au fil de l’eau, elles tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation.”
Aujourd’hui, malgré les risques climatiques de plus en plus menaçant, certaines stations de ski, et acteurs économiques et politiques semblent faire la sourde oreille face aux alertes des scientifiques, en témoigne le projet immobilier controversé de Tony Parker à Villard-de-Lans, l’organisation du festival tomorrowland à 3 300 mètre d’altitude à l’Alpes d’Huez en mars 2024, le développement de la pratique du ski en salle, ou encore le déplacement du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, avec ses ministres délégués, en Auvergne-Rhône-Alpes sans prévoir aucune visite de station de ski.
La Cour des comptes appelle l’Etat et les régions à mieux encadrer et accompagner les politiques d’adaptation et préconise le conditionnement des financements publics à l’élaboration et au respect de plan d’adaptation au changement climatique pour chaque station de ski.
Aujourd’hui, déjà près de 200 installations inutilisées et non démontées sont recensées au niveau national. La mise en place d’un tourisme « quatre saisons » et le démantèlement des installations de remontées mécaniques obsolètes nécessiteront d’importants investissements que les stations les plus affectées par le changement climatique auront du mal à financer. C’est pourquoi, la Cour préconise la création d’un mécanisme de solidarité financière, alimenté par la taxe locale sur les remontées mécaniques, afin de financer les actions de diversification et de déconstruction des installations obsolètes, dans une approche non-concurrentielle entre stations.
L’impact écologique des sports d’hiver
En plus d’être impacté directement par le changement climatique, le ski alpin participe également à l’émission de gaz à effet, à l’accaparement de la ressource en eau et à l’artificialisation des sols. Et ces impacts écologiques néfastes ne font que s’accentuer en raison du changement climatique, certaines stations de ski préférant miser sur le tout ski, grâce à la neige artificielle, plutôt que sur la réinvention de leurs modèles économiques.
Les canons à neige nécessitent en effet des retenues d’eau et des infrastructures coûteuses qui perturbent les écosystèmes montagnards fragiles et participent à l’accaparement de la ressource en eau, dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau, notamment dans les Pyrénées-Orientales. La neige artificielle nécessite également beaucoup d’électricité pour produire du froid.
D’autres stations de ski sont contraintes, par manque de neige, de faire venir la neige par camion pour réalimenter les pistes, comme c’est le cas à Bresse dans les Vosges, ou au Grand-Bornand en Haute-Savoie.
Pour la Cour des comptes, la neige artificielle “ne constitue qu’une protection relative et transitoire contre les effets du changement climatique. Son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures. De plus, l’impact de la production de neige sur les ressources hydriques apparaît sous-estimé dans de nombreux territoires. […] La mobilisation de ressources financières importantes en faveur de la production de neige est au contraire susceptible d’entretenir un « sentier de dépendance au ski, ne laissant que peu de place à l’invention d’alternatives”.
La Cour des comptes appelle ainsi les pouvoirs publics à faire évoluer le cadre normatif afin que les autorisations de prélèvements d’eau destinés à la production de neige tiennent compte des prospectives climatiques.
Vers un tourisme montagnard plus vertueux
Face aux menaces du changement climatique et à la maladaptation des stations de ski, les appels à un ralentissement et à plus de sobriété émergent au sein de la société, en témoigne l’installation d’une ZAD sur le glacier de la Girose pour lutter contre la construction d’un téléphérique à la Grave, l’appel de Franck Piccard, ex-champion de ski, contre le tout-ski, la décision du tribunal administratif de Grenoble d’annuler le projet d’aménagement de l’Alpes-d’Huez, et le choix de la station de Métabief (Jura) d’acter la fin du ski en 2030-2035.
Pour partir à la montagne en hiver tout en limitant son impact carbone, on peut :
- Opter pour des moyens de transports “doux” (trains, bus, vélo)
- Choisir un hébergement certifié Ecolabel
- Privilégier la location ou l’occasion pour le matériel
- Favoriser le ski de randonnée, le ski de fond et les raquettes au ski alpin
- Soutenir des organisations comme Protect Our Winters.