Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qui se tiendront majoritairement à Paris du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre, se revendiquent comme étant les Jeux les plus verts de l’histoire. Les objectifs de réduction de l’impact écologique des JO 2024 n’ont cessé d’évoluer depuis 2021.
Initialement prévus pour être à « contribution positive », puis neutres en carbone, l’objectif des JO a finalement été revu à la baisse. Les JO de Paris 2024 devront émettre deux fois moins de gaz à effet de serre que ceux de Londres en 2012 (3 millions de tonnes d’équivalent CO2) et trois fois moins que ceux de Rio en 2016 (4,5 millions de tonnes émises). Objectif : émettre moins de 1,58 million de tonnes de gaz à effet de serre (à noter tout de même que cet objectif ne prend pas en compte le transport, qui représente pourtant une très grande partie des émissions de gaz à effet de serre des grands événements sportifs internationaux).
C’est la première fois, dans l’histoire de l’olympisme moderne, qu’une ville-hôte énonce clairement un objectif environnemental avant le début des Jeux. La norme était jusque-là plutôt à l’inventaire et au bilan post-Jeux. Sommes-nous en passe d’entrer dans une nouvelle ère ?
Une construction plus responsable ?
Une vraie réflexion autour d’une construction durable
Premier objectif environnemental des JO 2024 : diminuer le nombre d’infrastructures construites de manière permanente. Ainsi, 95% des sites olympiques sont des sites existants ou des structures temporaires : pas plus d’une construction pérenne n’a été requise par discipline. Deux sites olympiques d’envergure sont sortis de terre : l’Arena Porte de la Chapelle (ou Adidas Arena) qui accueillera les épreuves de badminton et de gymnastique rythmique et le Centre Aquatique Olympique de Saint-Denis où concourront les nageuses de natation artistique, les plongeurs et plongeuses ainsi que les équipes de water-polo. Les autres structures seront démontées après la compétition (nécessitant ainsi un coût supplémentaire). L’objectif : éviter les éléphants blancs, ces structures laissées à l’abandon, et réduire l’impact écologique des JO 2024.
Autres grands chantiers engagés sur ces Jeux : le Village des Médias et le Village Olympique, qui ont coûté en tout 2 millions d’euros. Ce dernier, situé sur les communes de Saint-Denis, L’Ile-Saint-Denis et Saint-Ouen, deviendra, pour moitié des quartiers d’habitation (30% de logements sociaux), et pour moitié des bureaux.
Son élaboration bas carbone (bois et ciment bas carbone pour 700 kg de CO2éq par mètre carré, contre une tonne en moyenne), éco-responsable et adaptée aux risques climatiques, fait office de vitrine de ces Jeux Olympiques et Paralympiques. Conception bioclimatique des quartiers, planchers réversibles qui refroidissent en été et réchauffent en hiver, isolation haute-performance et végétalisation des immeubles, orientation des fenêtres, pare-soleils, abondance d’arbres et d’herbe, mini-centre de traitement de l’eau, passages aérés entre les bâtiments, conçus pour capter l’air frais de la Seine et absence de climatisation… mais aussi tables de chevet pour les athlètes à partir de volants de badminton recyclés et assiettes sans logos, réutilisables après les Jeux.
Gain de cause pour la climatisation
Des mesures d’adaptation aux canicules qui n’auront malheureusement pas suffi à convaincre les délégations sportives de se passer de climatiseurs. Une décision qui devrait alourdir le bilan carbone des JO 2024, alors que les climatiseurs étaient responsables de 5% des émissions produites par le secteur du bâtiment en France en 2020, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Selon le Washington Post, qui avait contacté, début juin, vingt nations présentes à Paris en juillet et août prochain, huit d’entre elles prévoyaient d’utiliser des systèmes de climatisation dans certaines ou toutes les chambres de leurs athlètes. Parmi elles, les Etats-Unis, le Canada, l’Italie, la Grèce, l’Australie, le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et éventuellement le Japon et la Chine. La raison ? Répondre aux besoins des 3000 sportifs concernés et leur permettre d’appréhender les épreuves dans des conditions physiques optimales.
2 500 climatiseurs ont ainsi été réservés par les délégations sportives et installés, tandis que d’autres apporteront leur propre matériel. Le chiffre pourrait encore augmenter en cas de canicule durant les JO. Cette nouvelle mesure risque de conduire à des inégalités parmi les délégations, les nations les plus pauvres ne pouvant pas se permettre cette charge supplémentaire de 300 euros par unité. Confort des athlètes ou réduction de l’impact écologique des JO 2024 ? La question ne se pose manifestement pas.
Une mobilité durable ?
Des initiatives en faveur de la mobilité douce
Le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires promet une accessibilité totale de tous les sites olympiques en transport en commun. Le réseau est d’ailleurs en train d’être élargi avec le chantier du Grand Paris express. Ce dernier consiste en l’extension de la ligne 11 et 14 (déjà opérationnelle) et la création des lignes 15, 16, 17 et 18 autour de Paris. Les organisateurs proposent également aux spectateurs d’emprunter les 415 km de voies cyclables pour se rendre d’un site à l’autre, 120 km ayant été créés pour l’occasion. D’autres initiatives quelque peu controversées voient le jour, à l’image des des taxis volants électriques (Volocity) développés par le groupe ADP. Toujours le même objectif : réduire l’impact écologique des JO 2024.
Le problème insolvable de l’avion
Aspect essentiel à relever cependant, le transport aérien, premier poste émetteur des Jeux Olympiques, n’a pas été pris en compte dans l’estimation des émissions de gaz à effet de serre. Entre 15 et 16 millions de personnes sont pourtant attendues (dont 2 millions de visiteurs étrangers). La raison de cette omission ? Il est difficile d’anticiper les déplacements des visiteurs. « Si l’on se réfère au ratio émissions/visiteurs des Jeux de Rio 2016, avec leurs 380 000 spectateurs étrangers et leurs 4,5 millions de tonnes d’émissions d’équivalent CO2, comment la promesse des 1,58 million de tonnes peut-elle être tenue ? », s’est interrogé Martin Müller, professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne et chercheur dans le domaine de la durabilité des grands événements sportifs, au micro du Greenletter Club.
Un rapport récent de l’association Les Shifters affirme ainsi que cette seule venue de visiteurs étrangers représenterait 1,1 million de tonnes d’équivalent CO2 (voire 1,2 million en comptant les visiteurs nationaux), ce qui empêcherait le Cojop de tenir ses engagements de division par deux des émissions par rapport aux Jeux de Londres 2012. Le rapport estime l’empreinte carbone de ces Jeux autour de 2,1 millions de tonnes d’équivalent CO2. Le Comité d’organisation a contesté ses conclusions.
Une alimentation éco-responsable ?
L’objectif d’une offre végétarienne pour 60% des repas des sportifs au Village Olympique a été fixé par les organisateurs, dans le but de réduire l’empreinte carbone liée à l’alimentation. Selon l’analyse de Martin Müller au micro du Greenletter Club, s’intéresser à l’alimentation des sportifs a un seul but : servir d’exemple. Il s’agit de diffuser au sein de la population française l’idée qu’il est possible de réduire sa consommation de viande, de manger des produits locaux et de faire rimer alimentation de qualité et éco-responsabilité. Ce genre de prises d’initiatives n’est pas nouveau mais peine à convaincre, pour le chercheur, car ces mesures ne sont, bien souvent, pas institutionnalisées par la suite. Qu’y aura-t-il réellement dans l’assiette des athlètes ? L’initiative permettra-t-elle d’atténuer l’impact écologique des JO 2024 ? Affaire à suivre.
Des Jeux sans plastique ?
Des objectifs initiaux ambitieux
Dès le départ, le Comité d’organisation s’était fixé comme objectif d’atteindre le zéro plastique à usage unique pour ces JO de Paris 2024. Un objectif difficilement atteignable ? L’ambition a, en tout cas, été revue à la baisse dès juillet 2023 et remplacée par un objectif, certes moindre mais toujours ambitieux, de diviser par deux la consommation de plastique par rapport aux JO de Londres.
La Ville de Paris a, quant à elle, maintenu l’objectif du zéro plastique dans son offre de boissons et de restauration dans les zones de célébrations parisiennes et aux abords des sites officiels (berges de Seine, quartiers d’expérimentation, monuments touristiques). La ville s’est engagée à mettre à disposition des spectateurs 30 000 gobelets réutilisables consignés, censés être réutilisés lors des prochains événements sportifs parisiens. Les visiteurs pourront aussi bénéficier de contenants réemployables pour les repas à emporter (bols salades en verre, boite burgers, etc.).
Toujours dans la même lancée, la ville de Paris a développé un partenariat avec plus de 100 acteurs parisiens, hôtels comme monuments et magasins de proximité, qui se sont engagés à sortir du plastique à usage unique. Toutes ces mesures permettraient, d’après les estimations de la municipalité, une économie de 12 tonnes de plastique par an soit 800 000 bouteilles. Quel sera l’impact écologique réel des JO 2024 ?
Il sera également possible de remplir sa gourde d’eau gratuitement dans les 1200 fontaines et points d’eau de la ville et 800 commerçants partenaires de l’opération « Ici, je choisis l’Eau de Paris ».
Une réalité moins glorieuse
En pratique pourtant, les lieux accueillant plus de 300 personnes simultanément n’ont pas tous installé de fontaines à eau gratuite – en particulier les gares et stations de métro – alors même que cela est obligatoire depuis le 1er janvier 2022. De la même manière, les établissements recevant du public continuent de distribuer gratuitement des boissons dans des bouteilles en plastique, alors même qu’ils ne devraient plus le faire depuis janvier 2021.
Le Comité olympique a été le premier à réclamer une dérogation pour que les athlètes et arbitres – au nombre de 4 millions – puissent bénéficier de bouteilles en plastique pour « un impératif de santé publique », (article L. 541-15-10 du Code de l’environnement) afin d’éviter tout risque de « dopage par sabotage ». Le « Marathon pour tous » ne fera, quant à lui, pas exception à la règle.
Des sponsors qui alourdissent le bilan
La légitimité des sponsors de Paris 2024, à l’image de Coca-Cola classée depuis 5 ans en haut du podium des plus grands pollueurs plastique au monde, est de plus en plus contestée. Une note portant sur la stratégie de distribution du groupe pendant la durée des JOP, divulguée par l’association France Nature Environnement, dévoile que trois quarts des boissons distribuées proviendront de bouteilles plastiques, contredisant ainsi l’engagement initial de Coca-Cola de réduire l’utilisation de plastique à usage unique en mettant à disposition des fontaines et des éco-cups. Tant pis pour la réduction de l’impact écologique des JO 2024 ! Ce ne sera encore pas pour cette fois…
Un « greenwashing » qui a poussé l’association marseillaise Clean my calanques à refuser de porter la flamme olympique. Compter Coca-Cola parmi les partenaires de JO « verts », alors qu’elle récupère ses canettes et bouteilles plastiques sur les plages, ne correspondait pas à ses valeurs. Le sponsoring de Danone, dixième plus grand pollueur plastique au monde, est similaire et tout aussi contesté.
L’industrie agro-alimentaire et pétro-chimique aura donc eu raison de l’objectif zéro plastique. Au plus grand regret de Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer Zero Waste France, pour qui cette compétition sportive était l’occasion de mener une guerre commune contre l’emballage plastique. Elle proposait, par exemple, l’accélération de la mise en service des bouteilles en verre standardisées développées par l’éco-organisme Citeo.
Des eaux dépolluées ?
Un véritable défi pour la Ville de Paris
Dernière ambition, mais pas des moindres : la dépollution de la Seine – et de la Marne. La baignade dans la Seine, déjà prônée par Jacques Chirac lorsqu’il était maire de Paris, est interdite depuis 1923 pour cause de trop forte présence des bactéries Escherichia coli et entérocoque provoquant gastro-entérites, conjonctivites et même staphylocoques dorés.
Permettre aux épreuves de nage en eau libre, de paratriathlon et de triathlon de s’y dérouler et aux Parisiens de s’y baigner dès 2025 : tel est le défi immense que se sont fixé la municipalité et le Cojop. Un défi qui coûte 1,4 milliard d’euros.
Cette dépollution s’articule autour de 4 axes : renforcer le traitement des eaux usées (rénovation de deux stations d’épuration) ; mieux gérer les eaux de pluie, notamment en cas d’orage (construction d’une station de dépollution) ; raccorder les bateaux et péniches au réseau d’assainissement ; et effectuer des travaux sur les canalisations de la capitale et sur la perméabilité des rues et trottoirs.
Une dépollution plus difficile que prévue
Un programme de dépollution loin de faire l’unanimité. Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination Eau Île-de-France, faisait part de ses doutes, en mai 2023, quant au respect du budget établi. Il craignait, en effet, « un surcoût important pour les collectivités », en particulier concernant le raccordement des péniches au réseau d’assainissement. Il regrettait également que le budget n’ait pas été consacré à la mise en place de mesures plus écologiques, et moins chères, comme des toilettes sèches ou de la phytoépuration par exemple.
A quelques semaines des Jeux Olympiques, l’état de la Seine inquiète les organisations environnementales. Si on dénote des améliorations avec une multiplication par dix des espèces de poissons présentes depuis 5 ans, les moyens utilisés pour dépolluer à base de produits chimiques sont jugés dangereux pour la faune et la flore. Une dépollution qui alourdirait l’impact écologique des JO 2024 ?
Les taux de bactéries restent également largement supérieurs aux taux autorisés. Les résultats des prélèvements publiés en avril 2024 par l’ONG environnementale Surfrider Foundation sont plutôt préoccupants. 13 prélèvements sur 14 réalisés entre septembre 2023 et mars 2024 sous le Pont Alexandre III et le Pont de l’Alma – où se déroulera la compétition – étaient « au-dessus voire très largement au-dessus » des seuils de baignade et à des niveaux supérieurs aux normes définies par la Fédération internationale de natation. Un lieu d’épreuves, dès le départ, mal choisi pour Jean-Claude Oliva : l’eau du canal de l’Ourcq est, pour lui, de meilleure qualité et la baignade y est courante, en particulier sur le bassin de la Villette. « Si les athlètes doivent se baigner, c’est plutôt là. », a-t-il conclu au micro de RTL le 16 juin 2024.
Un regain d’espoir à l’approche des JO ?
Ces mauvais prélèvements, qui s’expliquent notamment par les fortes précipitations de ces derniers mois et le manque d’ensoleillement, n’inquiètent pas pour autant Pierre Rabadan, adjoint aux Sports et aux JO à la mairie de Paris.
Selon le quotidien L’Equipe, la Seine a, pour la première fois, été propre à la baignade fin juin 2024. A trois semaines du début des Jeux, il était temps. Cela va-t-il se poursuivre d’ici le début de la compétition ? Seule la météo nous le dira ! Les épreuves auront lieu le 30 et 31 juillet et le 5, 8 et 9 août prochains – avec une possibilité de décalage d’un ou deux jours en fonction des conditions.
Des promesses écologiques réellement tenables ?
Une prise de conscience de la part du Comité International Olympique et de la Ville de Paris à propos de la nécessité d’organiser des JO durables est indiscutable, mais entre stratégie de communication et réalité, les promesses de réduction de l’impact écologique des JO 2024 ont-elles été tenues ?
Objectif : 100 % d’énergies renouvelables
Selon Martin Müller, interviewé par le Greenletter club, on observe une tendance chez les organisateurs des JOP à mettre en avant des mesures spectaculaires et facilement compréhensibles du public. Paris 2024 ne fait pas exception. Parmi ces mesures choc, des Jeux alimentés à 100% par des énergies renouvelables – solaire et éolien – pour une diminution des émissions liées au secteur de l’énergie de 80% (dans le meilleur des cas). Les groupes électrogènes (fonctionnant au carburant) sont remplacés par une connexion au réseau électrique pour alimenter les sites. Exemple phare de mesure à l’impact relatif (8% de l’empreinte carbone des Jeux) mais qui fait son chemin dans les esprits des non organisateurs.
La compensation comme solution
Autre mesure annoncée par le Cojop : la compensation des gaz à effet de serre émis. « Une façon de se donner bonne conscience » déplore la climatologue et ancienne coprésidente du groupe de travail 1 du Giec, Valérie Masson-Delmotte, qui regrette qu’il n’existe « pas encore un cadre suffisamment strict sur ces actions dites de compensation pour s’assurer de leur crédibilité ».
Sur le papier, le principe est simple. Il repose sur « les crédits carbone ». Une entreprise qui a émis des gaz à effet de serre finance un projet – plantation d’arbres notamment – permettant d’absorber la même quantité de gaz dans l’atmosphère. En pratique, mesurer l’impact réel d’un tel projet « est très difficile » affirme Gilles Dufrasne, expert du secteur au sein de l’ONG Carbon Market Watch, sans compter que le risque d’abus est élevé.
Compenser ou moins émettre ?
Pour Martin Müller, la compensation carbone soulève trois problèmes. Un problème de temporalité tout d’abord : le CO2 émis aujourd’hui ne sera compensé que dans trente, quarante ou cinquante ans en fonction de la croissance des arbres. « Du temps que l’on n’a pas » dit-il, au micro du Greenletter Club.
Le deuxième problème est celui de la pérennité des arbres et de leur résistance face à la multiplication des feux de forêts, dont la fréquence s’intensifie sous l’effet du réchauffement climatique.
Le troisième est inhérent au projet de plantation d’une « forêt olympique » au Sahel pour lutter contre la désertification (355 000 arbres entre le Mali et le Sénégal). Au vu des conditions naturelles de l’écosystème dans cette région d’Afrique, il est possible que la plantation de ces arbres n’ait qu’un impact nul sur les émissions de CO2. Finalement, la seule bonne réponse serait de ne pas émettre du tout, explique Jade Lindgaard, journaliste responsable du Pôle Écologie de Mediapart, au micro de RFI.
Un projet écologique inabouti
Bilan, un projet ambitieux manquant cruellement de transparence et de réalisme, d’après une étude de Carbon Market Watch et Eclaircies, avec une répartition des émissions assez approximative. Les organisateurs ont ainsi estimé que 34% des émissions seraient dues aux déplacements des spectateurs, des athlètes et des officiels, 33% aux constructions et 33% aux opérations (restauration, hébergement, logistique, produits sous licence, etc.). Certains enjeux sont également jugés insuffisamment réfléchis, à l’instar des transports et des achats non-alimentaires (goodies). Il est également regrettable que les critères climatiques soient absents de la sélection des sponsors et ce, malgré le refus affiché d’Anne Hidalgo devant la candidature de TotalEnergies ou la garantie demandée à ArcelorMittal de réaliser toutes les torches des JO à partir d’acier recyclé.
La même étude récente de Carbon Market Watch et Éclaircies a estimé que les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’étaient pas réalistes compte tenu de l’urgence climatique : 1,5 million de tonnes émises soit autant que 150 000 Français pendant 1 an en 2050. Certes, des efforts ont été fournis par le Cojop mais ils ne concernent que 30 % des émissions de gaz à effet de serre de l’événement. Pour les autres postes d’émissions, les mesures déployées ne sont pas suffisantes. Si l’objectif des 1,5 million de tonnes émises est largement inférieur à l’empreinte carbone des JO précédents, cela reste bien supérieur aux exigences de l’Accord de Paris sur le climat. Quel impact écologique pour ces JO 2024 ? Affaire à suivre.
Des Jeux socialement engagés ?
Sur le papier : des objectifs ambitieux
Une première dans l’histoire des Jeux modernes, Paris 2024 s’est doté d’une Charte sociale, signée en 2018 par les organisations syndicales et patronales. Seize engagements sociaux destinés à tourner la page des éditions précédentes : Sotchi 2014, Rio 2016 ou même la Coupe du monde qatarie de 2022.
Plusieurs objectifs ont été clairement énoncés :
- Participer à l’insertion professionnelle. La Charte recommande que 10 % des 25 millions d’heures travaillées pour les JOP, selon l’Insee, soient réservées aux personnes éloignées de l’emploi.
- Permettre aux entreprises françaises de l’Economie sociale et solidaire d’accéder aux marchés des JOP avec le programme ESS 2024 en partenariat avec l’association Les Canaux.
- Réduire les accidents du travail. Le taux d’accidents a été divisé par 4 par rapport au taux habituel et aucun mort n’a été recensé sur les travaux directement liés aux JOP. Jade Lindgaard rappelle, néanmoins, dans son ouvrage Une ville face à la violence olympique, qu’un homme est mort sur un chantier de dépollution de la Seine.
Dans les faits : le revers de la médaille
Pourtant, un encadrement strict n’empêche pas un certain nombre d’abus. « Violence olympique », « nettoyage social », « saccages écologiques et sociaux » : des mots lourds de sens, pour désigner des phénomènes d’expulsion (migrants, sans-abri, travailleuses du sexe), de délogement (étudiants des logements Crous) et de relogement forcé (foyer Adef de travailleurs étrangers, squat Unibéton, et familles de la cité Marcel Paul à l’Île-Saint-Denis). On dénombre également d’autres scandales en tout genre : présence de travailleurs sans-papier sur les chantiers, recours au travail gratuit des bénévoles, destruction des jardins d’Aubervilliers ou encore construction d’une nouvelle tour d’arbitrage de surf controversée à Teahupo’o (Tahiti) ou d’un échangeur autoroutier à proximité de l’école Pleyel à Saint-Denis. Des délais courts et une pression permanente instaurés par les JOP qui ont empêché les organisateurs de prendre en compte de nombreuses contre-propositions citoyennes.
Un héritage olympique controversé
Les grands chantiers des JO : gentrification ou rattrapage ?
Quel bilan tirer de ces Jeux Olympiques de Paris 2024 ? Quel héritage laisseront-ils ?
Certains dénoncent un risque de gentrification engendrée par l’événement ou un « extractivisme urbain ». C’est le cas à Marseille ou en Seine-Saint-Denis où les chantiers d’aménagement des JO conduisent à une montée en flèche du prix du foncier (hausse de 50% en 6 ans).
D’autres, à l’image de Shems El Khalfaoui, deuxième adjoint au maire de Saint-Denis en charge des Sports, du développement économique, de l’emploi et de l’insertion, des Jeux olympiques et des grands évènements, préfèrent voir les JO comme une opportunité de rénovation et de recomposition. De ce point de vue, la Seine-Saint-Denis est la grande gagnante : rénovation du complexe sportif Auguste Delaune de Saint-Denis, construction du Centre aquatique olympique ou transformation du Village Olympique en bureaux et logements. Les budgets sont totalement en décalage avec l’argent qui y est investi ordinairement : 2 milliards d’euros pour la construction du Village Olympique (et 6000 personnes) soit autant que le budget annuel de l’ANRU en Seine-Saint-Denis (pour 600 000 habitants). Pourquoi ne pas y voir un rattrapage face à une discrimination budgétaire passée ? Reste à savoir si cette dynamique se poursuivra après les Jeux.
L’ESS : grande gagnante
Ce sont, enfin, les organisations de l’Économie sociale et solidaire (ESS) qui ont largement bénéficié de ces Jeux Olympiques. Avec le programme ESS 2024, de nombreuses entreprises de l’ESS ont été en mesure d’accéder aux marchés des JO et ce, dans tous les secteurs d’activités : construction de gradins en matières recyclées (Le Pavé), porte-clés souvenirs des Jeux issus des déchets du chantier de l’Arena Porte de la Chapelle (H.A.W.A au féminin), collecte de déchets alimentaires et transformation en énergie et en engrais (Moulinot), ou encore embauche dans les laveries du Village Olympique (ESAT Les Cerisiers).
Bilan : 90% des marchés des Jeux Olympiques ont été obtenus par des entreprises de l’ESS. Un festival est même organisé par l’association les Canaux à partir du 1er juillet pour découvrir les coulisses des innovations environnementales et sociales des JO tandis qu’une boutique permanente de la Recyclerie Sportive ouvrira ses portes après les Jeux dans le Centre Aquatique Olympique.
Les Jeux Olympiques en voie de disparition ?
Pour Martin Müller, le phénomène olympique a tendance à stagner après des décennies de croissance (budget multiplié par 10 à 20 depuis 50-60 ans et 8,8 milliards d’euros pour Paris 2024). Les Jeux Olympiques, reflets de la modernité occidentale, de la production et de la consommation de masse marqués par une « grandiloquence architecturale » (« Plus haut, plus fort ») répondent-ils encore aux enjeux actuels de sobriété ? Rien n’est moins sûr.
Recul de l’intérêt des jeunes générations – retransmissions télévisées payantes et sports d’élite ou dépassés – et même des villes-hôtes – manifestations à Boston et Hambourg en 2015 : comment l’olympisme peut-il survivre ?
Martin Müller avance plusieurs pistes dans la revue scientifique Nature Sustainability. La réduction de la taille en premier lieu (moins de spectateurs et de sportifs) : pourquoi ne pas revenir à la vision idéale de Pierre de Coubertin de 1000 à 1700 athlètes ?
Deuxième piste, organiser l’événement dans 2-3 villes hôtes fixes qui alterneraient tous les 4 ans pour des questions de routine, d’organisation et de rentabilité ou organiser des Jeux dans plusieurs villes simultanément (comme les Jeux du Commonwealth) pour impliquer une plus grande part de la population mondiale. L’hebdomadaire italien « Il Venerdi di Repubblica » propose même de toujours confier l’organisation à la ville originelle des Jeux Olympiques, Athènes.
Dernière piste sur laquelle se sont penchés les chercheurs : mettre en place des fan-zones dans chaque pays pour éviter que les populations ne se déplacent en avion ou favoriser les spectateurs locaux.
Pour Jade Lindgaard, il est nécessaire de recentrer l’événement sur ses motivations initiales : l’amateurisme sportif, le collectif et le vivre-ensemble.