La France présente (enfin) son nouveau plan d’adaptation au changement climatique

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PAR Marina Yakovlev

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Climat

SOMMAIRE

Vendredi 25 octobre le gouvernement a présenté son nouveau plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). Un texte très attendu, rendu public avec un an de retard, qui établit la stratégie de la France pour s’adapter à une hausse de la température de +4°C d’ici 2100. La version finale du texte sera publiée à l’issue de la consultation publique actuellement en cours.

💡 L’adaptation au changement climatique, initiée par le ministère de l’environnement à la fin des années 1990, est complémentaire à la stratégie d’atténuation (réduction des gaz à effet de serre). Concrètement, l’atténuation, c’est “éviter l’ingérable”, et l’adaptation, c’est “gérer l’inévitable”.

+2°C en 2030, +4°C en 2100 : une nouvelle trajectoire pour le plan d’adaptation au changement climatique

Le précédent plan d’adaptation au changement climatique (2018-2022) prévoyait un réchauffement de 1.5°C à +2°C d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle. Le nouveau plan prévoit, lui, un réchauffement de +4°C en France d’ici 2100 (soit +3°C au niveau mondial). Une recommandation faite par le Conseil national de la transition écologique en 2023 qui prend tout son sens au regard du dernier rapport de l’UNEP sur les émissions de gaz à effet de serre. Le plan prévoit également une hausse de la température de +2°C d’ici 2030 et de +2.7°C d’ici 2050. 

Prévisions de réchauffement en France | © ecologie.gouv

Une France à +4°C, ça veut dire quoi ?

Aujourd’hui, alors que le réchauffement en France s’élève à +1.7°C, les effets du changement climatique se font déjà ressentir : 

  • 313 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle dans les Hauts-de-France entre fin 2023 et début 2024
  • L’érosion du trait de côte concerne 20% du littoral français
  • 1.5 million de Français sont exposés au risque de submersion marine
  • Le moustique tigre s’est propagé dans 78 départements de la France métropolitaine
  • 11 millions de maisons sont situées dans une zone à risque pour le retrait-gonflement des argiles
  • Le niveau de la mer a augmenté de 20cm depuis 1900
  • 9 des 10 années les plus chaudes jamais enregistrées l’ont été après 2010
  • Plus de 2 300 espèces sont menacées en France, sur 12 500 évaluées
  • 17 millions d’habitants et 9 millions d’emplois sont déjà concernés par l’aggravation du risque d’inondations par débordement de cours d’eau

Les conséquences sont aussi financières : les pertes économiques dues aux phénomènes climatiques extrêmes s’élèvent à 26 milliards d’euros en moyenne par an dans l’Union européenne au cours des 10 dernières années. Un coût qui pourrait atteindre dans le futur entre 42 et 175 milliards d’euros par an si on atteint un réchauffement de +3°C par rapport à l’ère préindustrielle. A l’inverse, l’action climatique permettrait d’économiser 1000 milliards d’euros au sein de l’Union européenne d’ici 2030.

Dans une France à +4°C, les vagues de chaleur vont devenir de plus en plus nombreuses, longues, sévères, précoces et tardives. Les feux de forêts et les sécheresses vont également s’intensifier. Les scientifiques prévoient une hausse de 1 à 2 mois de la saison des feux de forêts dans certaines régions, et la multiplication par 4 des épisodes de sécheresse par rapport aux années 1960.

“Dans une France à +4°C, un été type 2022 est un été froid”

Christophe Cassou, climatologue

L’enneigement va lui aussi être fortement impacté. Les scientifiques prévoient une baisse de 40% de l’enneigement en 2050, ainsi qu’une disparition totale des glaciers alpins d’ici 2100.

Une France à +4°C | © ecologie.gouv

Un plan d’adaptation au changement climatique attendu et nécessaire

Les dernières catastrophes climatiques en date en France le prouvent : la société française doit s’adapter aux effets du changement climatique. Le plan national d’adaptation au changement climatique vise ainsi à réduire notre vulnérabilité face aux conséquences du changement climatique en s’appuyant sur 5 axes : 

  1. La protection des personnes
  2. La résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels
  3. L’adaptation des activités humaines (assurer la résilience économique et la souveraineté alimentaire, économique et énergétique de notre pays à +4°C)
  4. La protection des milieux naturels et du patrimoine culturel
  5. La mobilisation des forces vives de la Nation pour réussir l’adaptation au changement climatique

Le plan national d’adaptation au changement climatique prévoit la mise en place de 51 mesures, en voici quelques-unes : 

(1) Renforcer le fonds Barnier pour mieux protéger la population

Le changement climatique impose d’intensifier nos démarches de prévention des risques naturels. La prévention a fait ses preuves en préservant les vies humaines et en réduisant les dommages aux biens. L’objectif de cette mesure est de renforcer le soutien de l’État en faveur de la prévention. Dès 2025, le fonds Barnier sera ainsi renforcé de 75 millions d’euros pour les mesures de prévention des collectivités (notamment pour protéger des quartiers de ville complets) et pour mieux protéger les Français face à l’intensification des évènements climatiques et des risques, en particulier ceux liés aux inondations.

(2) Une assurance pour tous, sur tout le territoire

Un dispositif sera instauré afin d’inciter les assureurs à maintenir une offre assurantielle abordable et disponible sur tout le territoire et à ne pas délaisser les zones les plus à risques.

(3) Une cartographie nationale d’exposition aux risques naturels

Afin d’informer le public, une cartographie d’exposition aux risques naturels sera publiée d’ici 2027. Elle intégrera l’ensemble des aléas climatiques (inondations, incendies de forêt, submersions, cyclones…) et les effets prévisibles du changement climatique à 2050.

(4) Avec la Mission adaptation, un guichet unique de l’adaptation

Les opérateurs de l’État concernés vont déployer une offre commune en expertise et ingénierie pour accompagner les collectivités désireuses de s’engager dans une démarche d’adaptation. À partir de 2025, cette Mission adaptation accompagnera 100 territoires dans leur démarche d’adaptation au changement climatique.

(5) Des logements confortables malgré la chaleur

L’objectif principal sera de mieux intégrer le confort d’été lors de la rénovation énergétique des logements, notamment pour les populations les plus précaires. Certains éléments de diagnostic évolueront et des règles et programmes de rénovation intégreront systématiquement cet enjeu.

(6) Connaître la vulnérabilité des usages de l’eau à l’aune du changement climatique

Une étude spécifique sera réalisée dans les départements et régions d’Outre-mer sur les vulnérabilités de l’approvisionnement en eau potable

(7) Des salariés mieux protégés

En 2025, les mesures de prévention mises en place par les employeurs pour assurer la sécurité des travailleurs en périodes de fortes chaleurs seront renforcées. Les outils à disposition de l’inspection du travail seront renforcés pour lui permettre de faire cesser immédiatement les situations de danger grave et imminent liées à l’exposition à la chaleur.

(8) Adaptation des sites culturels et patrimoniaux majeurs

En 2025, un panel de sites patrimoniaux seront accompagnés pour étudier leur vulnérabilité au changement climatique et tester des solutions d’adaptation. Cette initiative permettra également de sensibiliser le grand public à l’impact du changement climatique sur notre patrimoine naturel. 

(9) Intégrer la TRACC dans tous les documents de planification publique

La TRACC sera intégrée dans tous les documents de planification locaux pertinents afin que le climat futur soit bien intégré dans les décisions locales.

(10) L’approche «Une seule santé» pour prévenir les risques sanitaires liés au changement climatique et assurer la résilience de notre système de santé

En cohérence avec le plan d’action conjoint « Une seule santé » de l’alliance OMS, OMSA, FAO et PNUE qui reconnaît que la santé des Hommes, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement sont étroitement liées, des actions de prévention et de lutte contre les espèces porteuses de risques pour la santé seront développées. Une étude sera menée sur les conséquences du changement climatique sur notre système de santé et les moyens pour l’adapter et assurer la continuité de l’offre de soin sur l’ensemble du territoire.

(11) Adaptation au changement climatique des transports

L’adaptation des transports aux effets du changement climatique nécessitera d’établir des plans d’adaptation des infrastructures et services de transport à partir d’études de vulnérabilité. Ces études ont déjà été réalisées ou sont en cours pour la plupart des modes de transport. Pour les entreprises publiques majeures dans le secteur des transports, l’objectif est de finaliser ces études en 2025.

(12) Adaptation au changement climatique des opérateurs d’importance vitale

Première étape fondamentale pour la compréhension des risques climatiques, l’étude de vulnérabilité sera progressivement obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques, à commencer, dès 2025, par les grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie et, dès 2026, pour les opérateurs d’importance vitale. Sur cette base, des plans d’action seront élaborés afin d’adapter au mieux les infrastructures.

(13) L’adaptation du quotidien du travail des agents publics

Face à l’augmentation prévisible des vagues de fortes chaleurs en France, la fonction publique d’État adaptera ses modalités de travail. Un bouquet d’actions sera étudié selon les situations. Une expérimentation sera notamment menée dans certains bâtiments publics particulièrement exposés au risque de fortes chaleurs afin d’aménager au mieux le quotidien de travail des agents publics.

(14) Des exploitations agricoles plus résilientes

Un diagnostic d’évaluation de la résilience d’une exploitation agricole face au changement climatique, selon la Trajectoire de réchauffement de référence, sera mis en place d’ici 2026. Cet outil apportera des informations aux exploitants, dès leur installation et jusqu’à la transmission de leur exploitation, tenant compte de l’évolution prévue des conditions climatiques.

Un plan qui manque de moyens

Si le plan est jugé intéressant et réaliste par de nombreux acteurs, il reste néanmoins un bémol : l’absence de moyens pour l’exécuter pleinement.

“Face à la répétition des sécheresses et des inondations qui bouleversent l’économie et nos vies, ce plan était plus qu’attendu, il était vital […] Mais ce plan est hélas très représentatif des politiques climatiques de ces dernières années : il ne prévoit ni chef de file, ni financements. Sans tête et sans jambes, le Pnacc ne pourra jamais se déployer”

Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF

Pour Juliette Nouel, experte de l’adaptation au changement climatique, si ce nouveau plan comporte des points positifs, comme la promesse de ne plus financer des investissements non ou mal adaptés, ou encore l’adaptation du droit du travail aux vagues de chaleur, il reste encore de nombreuses lacunes et zones d’ombres. Parmi elles : le manque d’échéances claires, l’absence de l’inscription dans la loi de la trajectoire de réchauffement pour en faire un référentiel opposable et contraignant, l’absence de moyens financiers concrets, et l’absence de détail sur la justice et l’équité des mesures à prendre. Et ce alors même que l’ONG Oxfam dévoilait en juillet 2024 que les 20% des plus riches sont plus adaptés que les 20% les plus pauvres.

“Le Pnacc montre la voie d’une adaptation de la France à un climat qui change, mais il évoque beaucoup d’études, de diagnostics, de plans, et peu de moyens concrets”

Anne Bringault, Directrice des programmes du Réseau Action Climat

Quentin Ghesquière, responsable de l’adaptation chez Oxfam France et coauteur du rapport « Changement climatique – nous ne sommes pas prêt.es », a lui dénoncé au micro de Reporterre le manque de contraintes et de fonds financiers propres du plan. Il rappelle notamment que si l’Etat a annoncé 75 millions d’euros supplémentaires pour le fonds Barnier, il prévoit dans le même temps de supprimer 5 milliards d’euros du budget dédié aux collectivités territoriales, et 1,5 milliards d’euros de celui du Fonds vert.

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