Aux 17ème et 18ème siècle, il est courant que les aristocrates anglais parcourent l’Europe pour découvrir d’autres cultures et apprendre les langues étrangères. C’est le “Grand tour”, qui a donné naissance par la suite au mot tourisme. Si on assiste aux prémices du tourisme, on est encore bien loin du tourisme de masse que l’on connaît actuellement.
Il faut attendre le 19ème siècle, et la multiplication du train et des chemins de fer, pour que l’industrie touristique se développe réellement (avec l’apparition de Thomas Cook, la première agence touristique au monde). Réservé alors à une frange privilégiée de la population, le tourisme se démocratise à partir de 1936 et de l’arrivée des congés payés. On commence à parler de tourisme de masse.
Depuis, l’industrie touristique est en pleine croissance : en 2019, il y a avait 60 fois plus de touristes que dans les années 1950, et le tourisme, 3ème secteur économique mondial, représentait 10% du PIB mondial. Mais, spoiler alert, cette explosion des flux touristiques n’est pas sans effet sur l’environnement et les populations locales.
Le tourisme, c’est 9% des émissions mondiales
Il y a de plus en plus de touristes dans le monde. Résultat, les émissions du secteur sont en plein boom : de 2009 à 2019, elles ont augmenté de 3,5% par an. Deux fois plus vite que pour le reste de l’économie mondiale. Le tourisme représente ainsi 9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et 11% des émissions nationales.
“Sans interventions urgentes dans l’industrie mondiale du tourisme, nous prévoyons une augmentation annuelle des émissions de 3 à 4%, ce qui signifie qu’elles doubleront tous les 20 ans. Cela n’est pas conforme à l’Accord de Paris qui exige que le secteur réduise ses émissions de plus de 10% par an” – Dr Ya-Yen Sun, professeure associée de la Business School de l’université du Queensland (Australie) et autrice principale de l’étude
Si le tourisme pèse pour beaucoup dans les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, il faut avoir en tête que tous les pays n’y contribuent pas de la même manière. 20 pays sont responsables des trois quarts des émissions du secteur. À eux seuls, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde représentent 39% des émissions mondiales et 60% de la croissance des émissions entre 2009 et 2019. Rien que ça. La France, classée 9ème pour les émissions résultant des déplacements intérieurs et extérieurs des résidents, est, elle, responsable de 2,3% des émissions mondiales du tourisme.

Le transport représente 69% de l’empreinte carbone du secteur du tourisme en France, et le transport aérien 29% à lui seul. Quand on sait que le train émet en moyenne 30 à 50 fois moins que l’avion, ça donne envie de partir sur les rails et de se la rouler douce, plutôt que de s’envoyer en l’air, non ? Surtout après ce qu’on a vu sur le mythe de l’avion vert.
95% des touristes visitent moins de 5% des terres émergées
Tout le monde veut sa photo au pied de la Tour Eiffel, en face du Taj Mahal, en haut de l’Everest ou bien dans la baie de Phang Nga. Résultat, certains sites sont saturés, les écosystèmes dégradés et les boutiques de souvenir et locations touristiques poussent comme des champignons dans les centres-villes vidés de leurs habitants.
Dans le monde, 95% des touristes visitent moins de 5% des terres émergées, et en France, 80% de l’activité touristique se concentre sur 20% du territoire.

L’industrie touristique vide les centres-villes
La prolifération d’hôtels et d’hébergements touristiques engendre une pénurie de logements pour les habitants et une hausse des prix de l’immobilier. A Barcelone, les habitants sont ainsi de plus en plus nombreux à dénoncer la hausse des loyers (+68% en 10 ans). À cela, vient s’ajouter les rues et transports surchargés, les nuisances sonores, les plages bondées, et la multiplication des boutiques de souvenirs, aux dépens des commerces de proximité. Le métro ou le tram bondé le matin, ça vous agace ? Imaginez maintenant qu’il soit bondé à cause d’une horde de touristes, vous vous sentez comment ?
Les touristes accaparent les ressources, aux dépens des populations locales
L’industrie touristique augmente les besoins en énergie, en nourriture et en eau (pour le remplissage des piscines ou l’entretien des golfs par exemple).
En France, l’eau de la Loire est détournée vers l’Ardèche pour permettre aux touristes de faire du canoë. Le Japon connaît, lui, une pénurie de riz à cause du changement climatique et du surtourisme. À Ténérife, aux Canaries, des milliers d’habitants sont descendus dans la rue en mai 2024 pour protester contre le tourisme de masse. Alors que l’archipel est en proie à de nombreuses sécheresses, 16 millions de visiteurs sont venus en 2023 (soit 7x plus que la population locale).
Les infrastructures menacent les réserves naturelles et les terres agricoles
Au Mexique, le Train Maya, pensé principalement pour faciliter l’accès des touristes aux sites archéologiques mayas et aux plages autour de Cancún, nécessiterait l’abattage de 2 500 hectares de forêt tropicale sur vingt aires naturelles protégées. À Loliondo, en Tanzanie, les éleveurs Massaï ont été délogés violemment pour installer une réserve de chasse à l’intention de la famille royale émiratie. Aux Bahamas, l’industrie des croisières menace tout l’écosystème.
Il arrive même que le surtourisme détruise des lieux archéologiques, comme c’est le cas dans le désert d’Atacama, au Chili, ou des sites archéologiques ont été détruits par les jeeps, les motos et les quads.
La biodiversité, victime silencieuse de l’industrie touristique
Pollution des eaux et des sols, pollution sonore, destruction des écosystèmes, surconsommation des ressources, … Le surtourisme menace directement la faune et la flore.
En Polynésie, les scientifiques craignent que l’essor du tourisme des baleines nuise à la santé des cétacés. En baie de Somme, l’affluence toujours plus importante de touristes entraîne un abandon croissant de bébés phoques par leur maman.
Face au surtourisme, les autorités s’organisent
L’un des leviers majeurs pour concilier les objectifs environnementaux et économiques de l’industrie touristique, c’est de faire évoluer la provenance et le mode de transport des touristes (promouvoir les mobilités douces par exemple). Le nombre de touristes (et leur comportement) est également un paramètre-clé.
Le démarketing touristique
Pour faire face au surtourisme, certains acteurs, comme l’île d’Aix, optent pour le “démarketing” et diffusent des images de sites touristiques bondés pour décourager les visiteurs. Ils choisissent délibérément de réduire les flux touristiques au profit de la qualité de l’expérience et du bien-être des habitants locaux.

Limiter l’accès de certains lieux touristiques
Mont Fuji, Pompéi, Capri, Île-de-Bréhat, … C’est une pratique de plus en plus courante à travers le monde. En France, les autorités ont mis un place un système de réservation gratuite pour limiter l’accès aux calanques, menacées par l’érosion et fragilisées par le piétinement de milliers de visiteurs quotidiens.
Lutter contre la pression immobilière
Des villes comme Amsterdam et Barcelone interdisent désormais la construction d’hôtels, d’auberges de jeunesse ou d’appartements locatifs dans le centre-ville.
Dans le Pays basque, 24 communes ont mis en place depuis 2022 un principe de « compensation » par la création d’un logement à l’année de surface au moins équivalente à celui faisant l’objet d’une location saisonnière. Dans les Alpes aussi, l’offensive contre Airbnb fait rage.
Mettre en place des incitations positives
Un repas végétarien, un tour de kayak ou de bateau, une entrée libre au musée, une promenade à vélo électrique, … L’été dernier, Copenhague, la capitale du Danemark, a lancé CopenPay, un système qui gratifie les touristes qui ramassent les déchets ou prennent les transports en commun.
Changer nos imaginaires
En juin 2023, le gouvernement a annoncé un plan national pour réguler les flux touristiques, qui prévoit notamment de lancer une campagne de communication pour encourager un tourisme des « quatre saisons » mieux réparti sur le territoire et promouvoir des sites moins connus, grâce notamment à l’aide des influenceurs.
Le collectif Itinéraire Bis travaille lui aussi à changer nos imaginaires, en travaillant avec les médias, les influenceurs et les communicants.
La crise écologique menace l’industrie touristique : bientôt une sobriété à marche forcée ?
Plages menacées par l’érosion côtière en Tunisie, invasion de méduses en Espagne, sécheresses en Sicile, canicules mortelles dans le Grand Canyon, blanchissement des coraux et mise à mal du monde la plongée en Thaïlande, feux de forêt au Canada, sites du patrimoine mondial menacés par les effets du changements climatiques, …
Le tourisme pourrait bien disparaître à certains endroits en raison du changement climatique. C’est l’arroseur arrosé.
Slow-tourisme : rendez-vous en terre inconnue
Choisir des destinations hors des sentiers battus
Pour être sûr de ne pas participer au surtourisme, le mieux est de choisir des destinations moins fréquentées et plus authentiques.
Par exemple, au lieu d’aller à Santorin, vous pouvez plutôt découvrir l’Île de Kea en Grèce. Avec en bonus un petit périple en train pour atteindre Athènes puis une courte traversée en bateau pour arriver à bon port. Parce que oui, voyager sans avion, c’est possible ! Si vous ne me croyez pas, je vous invite à découvrir le parcours de Thor Pedersen qui a visité tous les pays du monde sans jamais prendre un seul avion, et celui de Juliette Hamon qui est arrivée jusqu’en Australie uniquement en faisant du stop.
Et surtout, gardez bien en tête que ce qui compte, ce n’est pas la destination, mais le voyage !

Quand logement rime avec engagement
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Bonus : calcule l’empreinte carbone de ton voyage
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