La semaine dernière, alors que la grande messe du Black Friday battait son plein, les représentants de 170 pays se sont réunis à Busan, en Corée du Sud, pour forger le premier traité international juridiquement contraignant visant à combattre la pollution plastique, un véritable scandale sanitaire et écologique. Quelques jours seulement après la COP29 (qui s’est soldée par un échec), ce sommet international était crucial pour l’avenir de l’Accord de Paris sur le climat. Pourquoi les négociations ont-elles échoué ? Quels sont les chiffres de la pollution plastique ? On fait le point dans cet article.
Les chiffres clés de la pollution plastique
La production de plastique est en hausse
Toujours plus de plastique. Emballages, vêtements, objets du quotidien, automobile, appareils électroniques, matériaux de construction … le plastique est partout. En 20 ans, la production mondiale de plastique a été multipliée par deux. En l’absence de politiques plus strictes, elle devrait tripler d’ici 2060 (par rapport à 2019) selon les prévisions de l’OCDE.
Seulement 9% du plastique dans le monde est recyclé. Le reste est incinéré ou enterré (69%), ou bien atterrit dans des décharges à ciel ouvert ou se retrouve dispersé dans la nature (22%). En France, seulement 27% des emballages plastiques sont recyclés.
Problème ? Dérivé direct du pétrole, le plastique a un coût écologique non négligeable. En 2022, la limite planétaire liée à la pollution plastique et chimique a été dépassée. Le plastique est responsable de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Environ 90% de ces émissions sont causées par sa production. Si rien n’est fait pour réduire sa production, les émissions liées au plastique pourraient représenter 19% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2040. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat (et donc limiter la hausse des températures bien en dessous de 2 °C), il faudrait baisser la production de plastique de 75%. Le plastique a également un coût économique important : ne rien faire nous coûterait bien plus cher qu’agir, selon cet article scientifique.
La pollution plastique menace l’environnement et notre santé
Le plastique est résistant. C’est d’ailleurs pour cela qu’il séduit tant. Le revers de la médaille ? Il ne disparaît jamais totalement et se décompose dans la nature en morceaux de plus en plus petits (aka les microplastiques). La pollution plastique est si répandue qu’elle a été détectée dans les nuages et dans les plus profondes fosses océaniques.
L’Océan, l’ultime réceptacle de la pollution plastique. Chaque année, 8 millions de tonnes de plastiques finissent dans nos océans. D’ici 2050, les océans pourraient contenir plus de plastique que de poisson. Dauphins, poissons, oiseaux marins, … Les animaux marins sont les premières victimes de la pollution plastique.
Et ça fini où à la fin tout ça ? Dans notre corps ! Les microplastiques contaminent l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons et l’eau que nous buvons. Chaque semaine, nous ingérons environ 5g de plastique, soit l’équivalent d’une carte de crédit. Poumons, foie, testicules, cerveaux, placenta, lait maternel, … Les scientifiques ont retrouvé des microplastiques dans pratiquement toutes les parties du corps humain. On ne connaît pas aujourd’hui toute l’étendue des conséquences de ce phénomène sur la santé humaine (mais, entre nous, ça ne présage rien de bon). En plus des microplastiques, 3 200 produits chimiques utilisés dans la fabrication du plastique sont jugés préoccupants pour la santé par les scientifiques. A ce jour, seuls 130 de ces molécules sont réglementées par des conventions internationales.
Réduire la production ou mettre le paquet sur le recyclage ?
À Busan, deux camps s’opposent
D’un côté, un groupe de pays dits de la haute ambition (Union européenne, Rwanda, Pérou..) demande que le futur traité couvre le plastique sur « toute sa durée de vie » et exigent une obligation de réduction de la production mondiale. Lors de la session d’Ottawa, le Rwanda et le Pérou ont déposé une motion proposant de réduire la production de plastique de 40% d’ici 2040, par rapport à 2025. Un premier pas, bien qu’insuffisant pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
De l’autre, un groupe plus informel, dit « du même esprit » (like-minded en anglais), regroupe surtout des pays producteurs de pétrole, comme l’Arabie Saoudite ou la Russie. Ils sont désireux de ne s’attaquer qu’à la deuxième partie de la vie des plastiques, c’est-à-dire lorsqu’il devient un déchet. Pour ces pays, pour qui le plastique représente la porte de sortie des industries des énergies fossiles, la réduction de la production plastique n’est pas à l’ordre du jour.
Ces derniers sont par ailleurs soutenus par les industries fossiles et chimiques, qui ont envoyé cette année 220 lobbyistes sur place, un record depuis les premiers rounds de négociations du traité en 2022, et la plus grande délégation présente sur place. Pour beaucoup, le plastique représente une porte de sortie face à la réduction de l’utilisation des énergies fossiles.
Et ne parviennent pas à se mettre d’accord
Après deux ans de pourparlers, et une semaine de négociations à Busan, les pays présents n’ont pas réussi à finir la rédaction du premier traité international sur le plastique. Faute d’accord, les pays ont finalement décidé de reprendre la session à une date ultérieure. De nombreux acteurs accusent le groupe dit « du même esprit » de bloquer les négociations, en refusant d’aborder la questions de la production de plastique.
A noter tout de même que l’équilibre des forces s’est inversé. Les pays favorables à un traité ambitieux sont de plus en plus nombreux. 95 font désormais partie de la coalition de Haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique, alors qu’ils étaient 67 au début de la semaine de négociations à Busan. Le groupe dit « du même esprit » ne compte, lui, plus que 9 pays, et est plus isolé que jamais. Près de 130 États se sont également déclarés favorables à la réduction de la production de plastique. Certains pays, comme la Chine, n’ont pas encore pris position.
Si de plus en plus de pays sont prêt à travailler sur la réduction de la production de plastique, le secteur du textile, très gourmand en plastique, n’est pourtant toujours pas concerné par les négociations.