Ça ne vous a sans doute pas échappé, après plus de deux mois à être dirigé par un gouvernement démissionnaire, la France a (enfin) un nouveau Premier Ministre : Michel Barnier.
Si, dans son discours lors de la passation de pouvoir, il a évoqué l’importance de dire la vérité « sur la dette écologique, qui pèse aujourd’hui lourdement déjà sur les épaules de nos enfants », peut-on pour autant espérer que son gouvernement mène une politique écologique forte et ambitieuse ? Plan d’adaptation au changement climatique, Stratégie nationale bas carbone, Loi énergie climat, … Une chose est sûre, les chantiers qui attendent Michel Barnier ainsi que le ou la futur.e Ministre de l’Environnement sont nombreux.
Michel Barnier, une sensibilité historique pour l’écologie
Michel Barnier – 73 ans – Les Républicains
1973 → Fait ses armes en tant que chargé de mission au sein du cabinet de Robert Poujade, premier Ministre de l’Environnement
1991 → le Défi écologique. Chacun pour tous, Hachette Littérature
1992 → Atlas des risques majeurs : Ecologie, environnement, nature, Plon
1993-1995 → Ministre de l’Environnement sous Edouard Balladur
2007-2009 → Ministre de l’Agriculture sous Nicolas Sarkozy
2010-2014 → Vice-Président de la Commission européenne
2016-2021 → Négociateur en chef du Brexit
Avec la loi Barnier, il inscrit en 1995 dans la loi les principes de précaution, de prévention et de pollueur payeur et crée le fonds Barnier, un fonds de prévention des risques naturels majeurs.
Il lance l’objectif de réduction de 50 % de la quantité de pesticides, dans le cadre du plan Ecophyto en 2008. L’association Générations Futures rappelle, dans un communiqué de presse, que « Michel Barnier a su résister aux pressions, notamment celles de la FNSEA les négociations du Grenelle de l’environnement. […] À cette époque, il avait également ouvert son ministère aux associations environnementales, rompant ainsi avec la seule cogestion traditionnelle entre l’État et les syndicats agricoles dominants ».
En 2019, il se porte en défenseur du Pacte Vert européen, allant même jusqu’à s’opposer au PPE, son groupe politique au sein du Parlement européen.
Lors de la campagne pour la primaire à droite en 2021, il se positionne en tant que défenseur de l’environnement, au risque de se voir moquer par sa famille politique : « Michel, c’est cui-cui les petits oiseaux », ricanaient certains, comme l’a rapporté « Le Monde » .
Une personnalité qui peine pour autant à convaincre au sein de l’écosystème des défenseurs de l’environnement
Défenseur du nucléaire (sans être pour autant favorable au « tout nucléaire »), des panneaux voltaïques et des voitures électriques, Michel Barnier émet néanmoins des doutes concernant la pertinence des éoliennes, qui causent selon lui de nombreux problèmes pour le paysage et la biodiversité, notamment marine.
Fervent opposant de l’« écologie punitive », il croit également en la croissance verte, et refuse ainsi de remettre en question notre modèle économique productiviste actuel : « Nous avons des raisons, je le crois, de bâtir un modèle de croissance écologique, d’une croissance durable qui fasse en sorte que l’on respecte davantage les ressources et les espaces, parce que les ressources et les espaces ne sont ni gratuits ni inépuisables », affirmait-il en 2021.
Pour Corrine Lepage, avocate engagée pour l’écologie et ancienne ministre de l’Environnement, interrogée par Vert, Michel Barnier a « une fibre environnementale indéniable », « il sait de quoi il parle quand il s’agit d’environnement ». Elle est d’ailleurs certaine que ce « gaulliste social » n’oubliera pas de concilier écologie et équité.
Mais pour Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, la sensibilité environnementale de Michel Barnier ne constitue pas un gage suffisant : « que Michel Barnier soit dit “sensible” à l’écologie, ce n’est pas le sujet […]. Une politique de droite, dure, austère, ne peut pas être une politique écologique, c’est aussi simple que ça ». Du côté de Greenpeace France, même si l’on reconnaît son « intérêt sincère de pour les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets », l’ONG « doute de sa capacité à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle ».
Que Michel Barnier souhaite dire la vérité sur la dette écologique, et qu’il soit sensible à la cause environnementale, c’est une chose. Mais agir concrètement pour insuffler les changements sociétaux nécessaires pour faire face à la crise écologique, c’en est une autre.
Quelle sera la composition de son gouvernement ? Quelle sera la couleur politique du ou de la futur.e Ministre de l’Environnement ? L’austérité budgétaire défendue par Les Républicains, sa famille politique, sera-t-elle compatible avec l’effacement de la dette écologique, alors que des coupes budgétaires de plusieurs milliards pour la transition écologique sont d’ores et déjà prévues dans le projet de budget 2025 ?
Alors que les Républicains et le Rassemblement national se sont distingués ces dernières années par leurs votes antiécologiques à l’Assemblée Nationale et au Parlement européen, seule la nomination du nouveau gouvernement pourra permettre d’imaginer ce à quoi ressemblera la politique environnementale de la France dans les prochains mois.